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Alexis ! dit-elle.

— Quoi ?

— Il me semble que nous sommes un peu gênés. Les « nouveaux mariés » (elle dit ces deux mots-là en français) doivent éprouver quelque chose de ce genre pendant le premier jour de leur voyage de noces. Ils sont heureux, très-heureux, et en même temps ils sont un peu gênés. »

Néjdanof sourit, d’un sourire contraint.

« Des nouveaux mariés… Tu sais très-bien, Marianne, que ce n’est pas notre cas. »

Marianne se leva, et, debout devant Néjdanof :

« Cela dépend de toi, dit-elle.

— Comment ?

— Alexis, écoute, quand tu me diras, sur ta parole d’honnête homme, et je te croirai, parce qu’en effet tu es un honnête homme, quand tu me diras que tu m’aimes de cet amour… de cet amour qui lie pour la vie entière, je serai à toi. »

Néjdanof rougît et se détourna légèrement.

« Quand je te dirai cela… fit-il.

— Oui, quand tu me le diras ! Mais tu vois bien, tu ne me le dis pas en ce moment… Oh ! oui, Alexis, tu es un honnête homme, en effet ! Et maintenant, parlons de choses plus sérieuses.

— Mais enfin, Marianne, est-ce que je ne t’aime pas ?

— Je le sais… et j’attendrai. Mais ta table à écrire n’est pas encore en ordre. Tiens, il y a quelque chose d’enveloppé là-dedans, quelque chose de dur… »

Néjdanof s’élança de sa chaise.

« Laisse ça, Marianne… je t’en prie… N’y touche pas ! »

Marianne le regarda par-dessus l’épaule, levant les sourcils avec étonnement.

« C’est… un secret ? Tu as un secret ?

— Oui… oui… balbutia Néjdanof ; et, tout troublé, il ajouta en guise d’explication : C’est un portrait. »