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Néjdanof se leva aussi, et suivit Marianne. Sa chambre, comme elle disait, était un peu plus petite que celle du jeune homme ; mais l’ameublement en était plus propre et plus moderne ; il y avait sur la fenêtre un vase de cristal avec des fleurs, et, dans le coin, un lit de fer.

« Vois-tu comme il est gentil, Solomine ? s’écria-t-elle ; mais il ne faut pas que nous nous laissions gâter ; nous n’aurons pas souvent un logement comme celui-ci. Sais-tu ce qui serait bien ? Il faudrait nous arranger pour ne pas nous séparer, pour trouver une place tous deux dans le même endroit ! Ce sera difficile, ajouta-t-elle au bout d’un moment ; enfin, nous verrons. En tout cas, tu ne retournes pas à Pétersbourg, n’est-ce pas ?

— Qu’irais-je faire à Pétersbourg ? Suivre les cours de l’Université et donner des leçons ? À quoi bon ?

— Voyons ce que dira Solomine ; il sait mieux que nous ce qu’il faut faire et comment il faut le faire. »

Ils retournèrent dans la première pièce, et s’assirent de nouveau l’un près de l’autre. Ils firent l’éloge de Solomine, de Tatiana, de Paul ; ils parlèrent de Sipiaguine, de leur vie passée qui venait de disparaître tout à coup dans le lointain, comme derrière un brouillard ; ils se serrèrent les mains en échangeant des regards radieux ; puis ils parlèrent des nouvelles classes dans lesquelles ils devaient pénétrer, et de la façon dont ils s’y prendraient pour ne pas exciter la méfiance.

Néjdanof assura que, moins ils penseraient à tout cela, mieux ils y réussiraient.

« Sans aucun doute ! s’écria Marianne. Puisque nous voulons nous « simplifier », comme dit Tatiana.

— Ce n’est pas dans ce sens-là… commença Néjdanof. Je voulais dire qu’il ne faut pas se forcer… »

Marianne l’interrompit par un éclat de rire.

« Je pensais à ce que j’ai dit tantôt, Alexis, que nous sommes tous deux des simplifiés. »

Néjdanof rit aussi, répéta : « simplifiés », puis devint pensif. Et Marianne, à son tour, devint pensive.

«