Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/249

Cette page n’a pas encore été corrigée

toute espèce de livres, et il vous débrouillera tout comme avec la main ! »

En ce moment, elle regarda Marianne, qui roulait une cigarette.

« Pardon, Marianne Vikentievna, lui dit-elle ; mais si vous voulez véritablement vous simplifier, il vous faudra mettre ça de côté. (Elle montra du doigt la cigarette.) Parce que dans ces métiers, dans celui de cuisinière, par exemple, ça ne se fait pas ; et tout le monde reconnaîtra tout de suite que vous êtes une demoiselle. Oui ! »

Marianne jeta sa cigarette par la fenêtre.

« Je ne fumerai plus… C’est une habitude facile à perdre. Les femmes du peuple ne fument pas, il ne convient donc pas que je fume.

— Vous avez dit la vérité. Les hommes se passent ces bêtises, chez nous ; les femmes, non. Voilà !… Eh ! mais, voilà M. Solomine qui vient ; c’est son pas. Demandez-lui… il vous expliquera tout ça, clair comme eau de roche. »

En effet, la voix de Solomine se fit entendre derrière la porte.

« Peut-on entrer ?

— Entrez, entrez ! cria Marianne.

— C’est une habitude anglaise que j’ai prise, dit Solomine en entrant. Eh bien, comment ça va-t-il ? Vous n’avez pas encore eu le temps de vous ennuyer ? Vous prenez le thé avec Tatiana, à ce que je vois. Écoutez-la : elle est pleine de bon sens… Mon patron arrive aujourd’hui fort mal à propos. Et il restera pour dîner. Que faire ? C’est mon patron.

— Quel homme est-ce ? demanda Néjdanof, qui sortit de son coin.

— Un homme comme tout le monde. Il n’est plus au biberon, comme on dit, mais pas malin, après tout. Avec moi, il est doux comme de la soie. Il a besoin de moi. Mais je suis venu vous dire que probablement nous ne nous reverrons plus aujourd’hui. On vous apportera