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Solomine revint vers Marianne qui avait ôté son châle et qui dégrafait sa mantille.

« Tout s’est bien passé ? lui dit-il.

— Oui… personne ne nous a vus. J’ai laissé une lettre à M. Sipiaguine. Je n’ai pris avec moi ni vêtements, ni linge, parce que, comme vous allez nous envoyer… (Elle n’osa pas, on ne sait pourquoi, dire : parmi le peuple), ce n’était pas la peine ; je n’aurais pas pu m’en servir. Et j’ai de l’argent pour acheter ce qu’il me faudra.

— Nous arrangerons tout ça ensuite… Mais tenez, dit Solomine en leur montrant Paul qui rentrait avec les effets de Néjdanof, je vous recommande mon meilleur ami dans cette maison ; vous pouvez absolument compter sur lui… comme sur moi-même. As-tu parlé à Tatiana pour le samovar ? ajouta-t-il à demi-voix.

— On va l’apporter, répondit Paul, et la crème et tout.

— Tatiana, c’est sa femme, continua Solomine, elle est aussi sûre que lui. En attendant que vous… eh ! oui, que vous vous accoutumiez, elle vous servira, mademoiselle. »

Marianne jeta sa mantille sur un divan de cuir qui occupait un coin.

« Appelez-moi Marianne ; je ne tiens pas à être une mademoiselle ! Quant à une servante, je n’en ai pas besoin… Je ne suis pas partie de là-bas pour avoir des servantes. Ne faites pas attention à mon costume. Je n’en avais pas d’autre là-bas. Il faudra changer tout cela. »

Son costume en drap de dame, de couleur brune, était fort simple ; mais, taillé par une couturière de Pétersbourg, il dessinait élégamment la taille et les épaules de Marianne ; il était, en somme, à la mode.

« Bah ! ce ne sera pas une servante, ce sera une aide à l’américaine. Mais cela ne vous empêchera pas de prendre du thé. Quoiqu’il soit de bonne heure, vous