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y chercher. Arrivez seulement jusque-là… et nous ne vous trahirons pas. Vous me direz que dans une fabrique il y a beaucoup de monde. C’est justement cela qui est bien. Là où il y a beaucoup de monde, il est plus facile de se cacher. Ça va-t-il ? hein ?

— Il ne nous reste plus qu’à vous dire merci, » répondit Néjdanof.

Et Marianne, que l’idée de la fabrique avait d’abord un peu effrayée, ajouta vivement :

« Oh ! oui, oui, que vous êtes bon ! mais vous ne nous garderez pas là longtemps, n’est-ce pas ? Vous nous enverrez quelque part ?

— Cela ne tiendra qu’à vous… Et, dans le cas où vous auriez envie de vous marier, j’aurais aussi ce qu’il vous faut pour cela. Il y a dans le voisinage, tout près de la fabrique, un pope nommé Zossime, un brave homme très-accommodant, qui se trouve être mon cousin. Il vous marierait en un tour de main. »

Marianne eut un sourire silencieux ; Néjdanof serra de nouveau la main à Solomine ; puis, au bout d’un instant :

« Dites-moi, lui demanda-t-il, le patron, le propriétaire de la fabrique, est-ce qu’il ne prendra pas tout cela de travers ? Ne pourrait-il pas vous faire des désagréments ?

— Ne vous inquiétez pas à mon sujet, c’est parfaitement inutile, répondit Solomine. Pourvu que sa fabrique marche comme il faut, le reste lui est bien égal. Et ni vous ni cette charmante demoiselle n’aurez à vous plaindre de lui. Vous n’avez rien, non plus, à craindre de la part des ouvriers ; seulement prévenez-moi. Vers quelle heure faut-il vous attendre ? »

Marianne et Néjdanof s’entre-regardèrent.

« Après-demain matin, de bonne heure, ou le jour suivant, dit enfin Néjdanof. Il n’y a plus de temps à perdre. D’un moment à l’autre, on peut me remercier.

— C’est entendu, répliqua Solomine, en se levant, je