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sourde, qu’un jour ou l’autre, M. Sipiaguine va me renvoyer. On lui a certainement dit quelque chose ; il me traite… de la façon la plus méprisante. »

Solomine se tourna vers Néjdanof.

« Eh bien, alors, pourquoi vous enfuir, si vous êtes sûr qu’on ne doit pas vous garder ? »

Néjdanof resta un moment interdit.

« Je vous ai déjà expliqué, commença-t-il…

— Il a parlé de fuir, s’écria Marianne, parce que je pars avec lui. »

Solomine la regarda, et secouant la tête avec bonhomie :

« Oui, parfaitement, chère mademoiselle ; mais je vous le répète, si vraiment vous voulez quitter cette maison parce que vous imaginez que la révolution va éclater…

— C’est justement, interrompit Marianne, pour savoir où en sont les choses que nous vous avons prié de venir.

— En ce cas, reprit Solomine, je vous le répète : vous pouvez rester encore dans cette maison, et même assez longtemps. Mais si vous voulez fuir parce que vous vous aimez et qu’il n’y a pas d’autre moyen de vous réunir, en ce cas…

— En ce cas ?

— Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter, selon la vieille formule, amour et concorde, —et à vous aider dans la mesure de mes forces, si cela est nécessaire et possible. —Car du premier coup, vous, mademoiselle, — et lui, —je vous ai pris en affection comme un frère. »

Marianne et Néjdanof s’approchèrent de lui, d’un commun mouvement, et lui saisirent chacun une main.

« Dites-nous seulement ce qu’il faut faire, s’écria Marianne. —La révolution est encore loin, soit ! Mais indiquez-nous seulement quels sont les démarches, les préparatifs nécessaires, préparatifs impossibles dans cette maison et dans ces conditions, mais que nous ferions de