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— La lettre ? Elle… c’est-à-dire… naturellement !…

— Pourquoi vous cachez-vous de moi constamment ? s’écria Pakline. N’ai-je pas mérité votre confiance ? Et quand même je ne sympathiserais pas entièrement à… ce que vous projetez, — pensez-vous vraiment que je sois capable de vous trahir ou de divulguer votre secret ?

— Sans intention… peut-être ! gronda la voix d’Ostrodoumof.

— Ni sans intention, ni avec intention ! Voilà mademoiselle Machourina qui me regarde en souriant… et moi je vous dis…

— Je ne souris pas du tout ! dit Machourina avec colère.

— Et moi je vous dis, messieurs, continua Pakline, que vous n’avez pas le moindre flair ; que vous ne savez pas distinguer quels sont vos véritables amis ! Parce qu’on rit quelquefois, vous vous imaginez qu’on n’est pas sérieux…

— Certainement ! riposta Machourina du même ton.

— Tenez, par exemple, reprit Pakline avec une nouvelle force, sans répondre cette fois à l’interruptrice, vous avez besoin d’argent… Néjdanof, en ce moment, n’en a pas… Eh bien, je peux vous en donner. »

Néjdanof quitta brusquement la fenêtre.

« Non… non… à quoi bon ?… J’en trouverai… Je prendrai une avance sur ma pension. « Ils » me doivent quelque chose, je m’en souviens. Mais à propos, Ostrodoumof, montre-moi la lettre ! »

Ostrodoumof resta d’abord un moment immobile ; puis il regarda autour de lui ; puis il se leva, se courba jusqu’à terre, releva le bas de son pantalon, retira de la tige de sa botte un morceau de papier soigneusement plié, souffla sur ce papier — on ne sait pourquoi — et le remit enfin à Néjdanof.

Celui-ci, après l’avoir déplié et lu attentivement, le passa à Machourina, qui, s’étant levée de sa chaise, le