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tout, il me semble que j’ai atteint mon but : comme répétiteur pour Kolia, il est parfait. Et puis tu sais : non bis in idem ! Pardonne-moi mon pédantisme : cela veut dire que la même chose ne se répète pas.

— Tu crois ? Et moi, je pense que dans ce monde tout se répète, surtout ce qui est dans la nature des choses… et surtout entre jeunes gens.

Que voulez-vous dire ? demanda Sipiaguine en jetant, d’un geste arrondi, sa brochure sur la table.

Ouvrez les yeux et vous verrez ! » répondit-elle.

Quand ils parlaient français, ils se disaient vous, naturellement.

« Hum ! fit Sipiaguine, c’est de ce petit étudiant que tu parles ?

— De monsieur l’étudiant, oui.

— Hum ! Est-ce qu’il s’est fourré là-dedans (il tapota de ses doigts sur son front) quelque chose ? Hein ?

— Ouvre les yeux.

— Marianne ? Hein ? »

Ce second « hein ? » fut dit d’un ton plus nasillard que le premier.

« Ouvre les yeux, je te dis. »

Sipiaguine fronça les sourcils.

« Bon, nous éclaircirons tout cela plus tard. Pour le moment, voici ce que je voulais te dire : ce Solomine, probablement, sera un peu intimidé… c’est bien naturel… le manque d’habitude ! Il faudra tâcher d’être aimable pour ne pas l’effaroucher. Ce n’est pas pour toi que je dis cela. Toi, tu es une perle, et, quand tu veux, tu ensorcelles ton monde en un clin d’œil. J’en sais quelque chose, madame ! Mais je dis cela pour les autres, par exemple, pour celui-là… »

Il montra du doigt un chapeau gris, à la dernière mode, déposé sur une étagère : ce chapeau appartenait à Kalloméïtsef, qui se trouvait à Arjanoïé depuis le matin.

« Il est très-cassant », tu sais ; il méprise absolument le peuple, ce que je condamne absolument ! En