« Enfin ! »
Pakline se rapprocha de Néjdanof.
« Qu’est-ce qui t’arrive, Alexis Dmitritch, Hamlet russe ? Quelqu’un t’a-t-il mis en colère ? ou bien es-tu tombé comme ça tout seul dans la mélancolie ?
— Laisse-moi la paix, Méphistophélès ! répondit Néjdanof avec impatience. Je n’ai pas le temps d’aiguiser avec toi des platitudes. »
Pakline se mit à rire.
« Tu ne t’exprimes pas correctement, mon cher : ce qui est aigu n’est pas plat ; ce qui est plat ne peut pas être aigu.
— C’est bon, c’est bon… tu as de l’esprit, nous le savons.
— Et toi, tu as les nerfs détraqués, répliqua lentement Pakline. Est-ce que, vraiment, il te serait arrivé quelque chose d’extraordinaire ?
— Il ne m’est rien arrivé d’extraordinaire ; il m’est arrivé qu’on ne peut plus mettre le nez dehors, dans cette ignoble ville, sans se heurter à quelque bassesse, à quelque sottise, à quelque absurde injustice, à quelque stupidité ! Il n’y a plus moyen de vivre ici.
— Voilà pourquoi tu as fait annoncer dans les journaux que tu cherches une place et que tu consentirais à quitter Pétersbourg ? grommela encore Ostrodoumof.
— Certainement, je partirai, et avec bonheur ! si seulement je trouvais quelqu’un d’assez bête pour me proposer une place !
— Avant tout, il faut remplir son devoir « ici ! » dit Machourina d’un ton significatif, mais sans cesser de détourner les yeux.
— C’est-à-dire ? » demanda Néjdanof, en faisant volte-face.
Machourina serra les lèvres.
« Ostrodoumof vous l’expliquera, » dit-elle enfin.
Néjdanof se tourna vers Ostrodoumof. Mais celui-ci toussa et dit seulement :