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dit « nous », parce que j’ai l’intention d’aller chez lui avec vous.

— Comment ? mais si tu ne le connais pas ?

— Tu es drôle ! Est-ce que, vous autres, vous connaissiez mes perruches ?

— Mais tu nous as présentés !

— Eh bien, présente-moi ! —De vous à moi, il ne peut y avoir de secrets. Quant à Golouchkine, c’est un homme à vues larges. Il sera enchanté de l’arrivée d’un nouveau visage, tu vas voir ! Du reste, chez nous, à S…, on est sans façons !

— Oui, grommela Markelof, je vois en effet que chez vous on est sans façons. »

Pakline secoua la tête.

« Vous dites peut-être ça pour moi… Que faire ? J’ai mérité ce reproche. Mais croyez-moi, mon nouveau camarade, laissez là, pour un moment, les idées noires qu’engendre votre tempérament bilieux. Et surtout…

— Monsieur mon nouveau camarade, interrompit Markelof d’un ton brusque, permettez-moi de vous dire, à mon tour, par mesure de précaution, que je n’ai jamais eu le moindre goût pour la plaisanterie, et aujourd’hui moins que jamais. Quant à mon tempérament, vous n’avez guère eu le temps de le connaître, puisque nous nous sommes vus aujourd’hui pour la première fois.

— Bon, bon, ne vous fâchez pas ; pas tant de dignité, je vous crois sans cela. »

Et se tournant vers Solomine, il s’écria :

« Ô vous, que la pénétrante Fimouchka elle-même regarde comme un homme rafraîchissant et qui avez en effet en vous quelque chose de sédatif, dites si j’ai eu la pensée d’être désagréable à quelqu’un ou de plaisanter mal à propos ? J’ai simplement demandé à vous accompagner chez Golouchkine, et du reste je suis un être inoffensif. Ce n’est pas ma faute si M. Markelof a le teint jaune. »

Solomine haussa une épaule, puis l’autre ; c’était sa manière quand il hésitait à répondre.

«