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rouges. Tu me fais pitié… voilà ta bonne aventure. »

Tous se turent, s’entre-regardèrent, et se turent encore.

« Allons, adieu, mes amis ! s’écria Pakline. Voilà longtemps que nous sommes ici ; nous avons dû vous ennuyer. Ces messieurs doivent partir… et moi aussi je pars. — Adieu ! merci pour votre bon accueil.

— Adieu, adieu, revenez nous voir, ne nous oubliez pas, » dirent Fomouchka et Fimouchka d’une seule voix.

Puis Fomouchka entonna la réponse liturgique :

« Nombreuses, nombreuses, nombreuses années…

— Nombreuses, nombreuses… » répéta tout à coup, en basse taille, Kalliopytch, qui ouvrait la porte aux jeunes gens…

Et tous les quatre se trouvèrent devant la petite maison ventrue, pendant qu’on entendait Poufka glapir à travers les fenêtres : « Imbéciles ! imbéciles ! »

Pakline rit à gorge déployée ; mais son rire n’eut pas d’écho, et même Markelof regarda ses compagnons l’un après l’autre, comme s’il eût attendu d’eux une parole d’indignation…

Seul, Solomine, comme à son ordinaire, souriait.


XX


« Eh bien ! dit Pakline, qui fut le premier à parler, nous sortons du dix-huitième siècle, filons maintenant vers le vingtième. Golouchkine est un homme si avancé, qu’on lui ferait injure en le mettant dans le dix-neuvième, dans le nôtre !

— Tu le connais donc ? lui demanda Néjdanof.

— La terre est remplie du bruit de son nom ; et j’ai