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dans l’abondance, —comme un coq en pâte, — ne dépouiller personne, mais ne pas remuer le bout du doigt pour venir en aide au prochain, ce n’est pas être bon ; pour ma part, au moins, à parler franc, je ne donnerais pas ça de cette bonté-là ! »

Là-dessus, Poufka se mit à glapir d’une façon assourdissante. Elle n’avait pas saisi une seule parole du discours de Markelof, mais elle comprenait que ce « noiraud » se permettait de maltraiter ses maîtres ! —L’impertinent !

Vassilievna aussi murmurait je ne sais quoi d’un air courroucé. Quant à Fomouchka, il avait croisé ses mains sur sa poitrine, et, tournant la tête du côté de sa femme :

« Fimouchka, s’écria-t-il presque avec des sanglots, ma petite colombe, entends-tu ce que monsieur notre hôte vient de dire ? Toi et moi, nous sommes des pécheurs, des méchants, des pharisiens… nous vivons comme des coqs en pâte, oï, oï, oï !… notre devoir est d’aller dans la rue, de quitter notre maison, avec un balai à la main, afin de gagner notre vie, ho ! ho ! ho !… »

En entendant de si tristes discours, Poufka glapit plus fort que jamais, et Fimouchka, les yeux à demi fermés, les lèvres contractées, aspira l’air profondément, préparant un lamentable gémissement.

Dieu sait comment l’affaire se serait terminée, si Pakline ne s’en était mêlé.

« Qu’est-ce que c’est ? Voyons ! dit-il en agitant les mains, avec un gros rire ; n’avez-vous pas honte ? Monsieur Markelof voulait plaisanter ; seulement, comme il a un visage extrêmement sérieux, sa plaisanterie a pris une tournure sévère… et vous avez donné dedans ? Mais ça n’est pas ça du tout ! Ma bonne petite Euphémie Pavlovna, nous allons être forcés de partir tout à l’heure. Savez-vous ce qu’il faut faire ? Pour nos adieux, dites-nous la bonne aventure… vous la dites si bien ! Allons, Snandoulie, donne des cartes. »