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— Très-bien ! répondit Fomouchka ; mais seulement, Snandoulie Samsonovna, qu’est-ce que vous faites du trille ? Après ma réplique, il faut un trille !

— Très-bien ! répondit Snandoulie, je vous ferai un trille. »

Fomouchka commença :


Y a-t-il quelqu’un, dans l’univers,
Qui ait aimé sans tortures,
Qui ait jamais aimé
Sans pleurer, sans gémir ?


Et Fimouchka :


Si le cœur doit sombrer dans la tristesse
Comme une nacelle dans la mer…
Alors, pourquoi nous fut-il donné ?
Pour souffrir, souffrir, souffrir !


s’écria Fomouchka ; puis il s’arrêta pour laisser à Snandoulie le temps de faire son trille. Après quoi, Fimouchka reprit :


Pour souffrir, souffrir, souffrir !


Et tous deux à l’unisson :


Dieux, reprenez-moi mon cœur,
Je n’en veux plus, plus, plus !


Et le couplet fut terminé par un nouveau trille.

« Bravo ! bravo ! » s’écrièrent tous les assistants, — sauf Markelof, — en battant des mains.

Pendant que les applaudissements se calmaient peu à peu, Néjdanof se demandait :

« Ces gens-là comprennent-ils qu’ils jouent le rôle de bouffons, ou peu s’en faut ? Probablement non ; après tout, peut-être qu’ils le sentent et qu’ils se disent : « Qu’importe ? Nous ne faisons de mal à personne et « nous amusons nos visiteurs ! » Et, tout bien réfléchi, ils ont raison, cent fois raison ! »

Sous cette pensée, il se mit tout d’un coup à leur faire de très-grands compliments auxquels ils répondirent par