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Pakline pria ensuite les deux vieillards de chanter une petite romance… Ils se mirent à rire tous deux et s’étonnèrent que cette idée lui fût venue ; mais ils ne se firent pas longtemps prier, et posèrent seulement pour condition que Snandoulie se mettrait au clavecin et accompagnerait, — elle savait déjà quoi.

Il y avait dans un coin du salon un tout petit clavecin que les visiteurs n’avaient pas remarqué. Snandoulie s’assit devant, et prit quelques accords… Ce clavecin rendit des sons si pauvres, si aigres, si chétifs, si édentés, — jamais de sa vie Néjdanof n’avait rien entendu de pareil ; mais les vieillards entonnèrent aussitôt leur romance :


Est-ce pour trouver la tristesse,


commença Fomouchka,


La tristesse dans l’amour,
Que nous avons reçu des dieux
Un cœur capable d’aimer ?


Fimouchka continua :


Existe-t-il quelque part sur la terre
Un sentiment d’amour
Sans douleur, sans souffrance ?


Fomouchka répondit :


Nulle part, nulle part, nulle part !


Et Fimouchka répéta :


Nulle part, nulle part, nulle part !


Puis tous deux ensemble :


L’amour vit avec la souffrance
Partout, partout, partout !


Et Fomouchka répéta en solo :


Partout, partout, partout !


« Bravo ! s’écria Pakline, bravo pour le premier couplet ! Au second, à présent !