Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/160

Cette page n’a pas encore été corrigée

montrèrent pour disparaître aussitôt ; une porte se ferma ; quelqu’un gémit, quelqu’un pouffa de rire, une voix saccadée chuchota :

« Au diable !… »

Enfin Kalliopytch parut avec son éternel casaquin, et, après avoir ouvert la porte du « salon », cria d’une voix retentissante :

« Ça ! c’est le seigneur Syla Samsonytch avec d’autres seigneurs ! »

Les maîtres se troublèrent beaucoup moins que leurs serviteurs. L’irruption de quatre grands gaillards dans leur salon, d’ailleurs assez vaste, leur causait, il est vrai, quelque étonnement, mais Pakline les rassura tout de suite, et, avec ses bons mots habituels, leur présenta successivement les trois nouveaux venus comme des gens paisibles et point « de la couronne ».

Fomouchka et Fimouchka avaient une particulière antipathie contre les gens de la « couronne », c’est-à-dire les employés du gouvernement.

Snandoulie, appelée par son frère, fit son apparition ; elle était beaucoup plus agitée, beaucoup plus embarrassée que les vieux Soubotchef. Ceux-ci, —tous deux ensemble et dans les mêmes termes, — prièrent leurs hôtes de s’asseoir et leur demandèrent ce qu’ils préféraient : thé, chocolat, ou bien eau gazeuse avec des confitures. Mais apprenant que leurs hôtes ne désiraient rien prendre, —parce qu’ils venaient de déjeuner chez un marchand nommé Golouchkine et devaient y dîner, — ils n’insistèrent pas davantage, et croisant tous deux de la même manière leurs petits bras courts sur leurs petits ventres, ils se mirent en devoir de causer.

La conversation, d’abord un peu languissante, s’anima bientôt. Pakline amusa extrêmement les deux vieillards avec l’anecdote connue de Gogol, sur un général, qui avait pénétré facilement dans une église pleine à étouffer, parce que c’était un général, —et sur un pâté qui se trouve être aussi fort que le général, en pénétrant non