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Pakline tendait la main. Machourina le regarda d’un air sombre ; cependant elle lui tendit la sienne.

« Vous tenez beaucoup à connaître mon prénom ? dit-elle, sans que son visage s’éclaircît. Eh bien, je m’appelle Fiokla[1].

— Et moi, Pimène, ajouta la voix de basse d’Ostrodoumof.

— Ah ! C’est très-instructif, très-instructif ! mais alors, dites-moi donc, ô Fiokla, et vous, ô Pimène, dites-moi donc pourquoi vous me traitez toujours si peu amicalement, tandis que moi…

— Machourina trouve, et elle n’est pas seule de cet avis, interrompit Ostrodoumof, que l’on ne peut pas se fier à vous, parce que vous regardez toutes choses du côté risible. »

Pakline tourna vivement sur ses talons.

« Ah ! voilà, voilà, toujours la même erreur de la part des gens qui me jugent, très-honorable Pimène ! D’abord, je ne ris pas toujours ; et puis ça ne veut rien dire, et l’on peut se fier à moi ; la preuve en est, du reste, dans la confiance flatteuse qui m’a été plus d’une fois témoignée parmi les vôtres. Je suis un honnête homme, moi, très-honorable Pimène ! »

Ostrodoumof murmura quelque chose entre ses dents, et Pakline, secouant la tête, répéta, mais cette fois presque sans sourire :

« Non ; je ne ris pas toujours ! Je ne suis pas un homme gai ! regardez-moi un peu ! »

Ostrodoumof leva les yeux sur lui. En effet, lorsque Pakline ne riait pas et ne parlait pas, son visage prenait aussitôt une expression de tristesse mêlée de crainte : cette expression redevenait drôle et même maligne, dès qu’il ouvrait la bouche. Ostrodoumof cependant ne dit mot.

Pakline se retourna de nouveau vers Machourina.

« 

  1. En grec Thécla.