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Solomine était assis près de la fenêtre ; le soleil, déjà bas, éclairait vivement son visage hâlé, un peu moite de sueur, et ses cheveux blonds couverts de poussière, où s’allumaient une foule de petits points dorés. Les narines de Solomine se gonflaient légèrement pendant la lecture, et ses lèvres remuaient comme s’il eût prononcé chaque mot ; il tenait fortement de ses deux mains la lettre élevée à la hauteur des yeux. Tout cela, Dieu sait pourquoi, fit une bonne impression à Néjdanof.

Solomine rendit la lettre au jeune homme, lui sourit, et recommença à écouter Markelof, qui parla fort longtemps. Quand il eut fini :

« Écoutez, dit Solomine d’une voix un peu voilée, mais jeune et forte, qui plut aussi à Néjdanof, l’endroit n’est pas très-commode pour causer ; allons plutôt chez vous, il n’y a que sept verstes. Vous êtes venus en tarantass, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Bon ; il y aura bien assez de place. Dans une heure mes travaux finissent, et je serai libre. Nous causerons. Vous aussi vous êtes libre ? dit-il en s’adressant à Néjdanof.

— Jusqu’à après-demain.

— Parfait ! nous passerons la nuit là-bas. Vous permettez, Serge Mikhaïlovitch ?

— Quelle question ! Certainement.

— Très-bien ; je serai prêt tout à l’heure. Laissez-moi seulement me brosser un peu.

— Et dans la fabrique, comment ça marche-t-il ? » demanda Markelof d’un ton significatif.

Solomine détourna les yeux.

« Nous en causerons, répéta-t-il. Attendez… je serai là à l’instant… j’ai oublié quelque chose. »

Il sortit. Sans la bonne impression qu’il avait faite à Néjdanof, celui-ci aurait probablement pensé et peut-être même dit à Markelof : « Est-ce qu’il ne serait pas bon teint ? » Mais rien de semblable ne lui vint à l’esprit.