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En ce moment, Solomine entra. Ce fut une nouvelle désillusion pour Néjdanof. Au premier coup d’œil, Solomine lui fit l’effet d’un Finnois ou plutôt d’un Suédois.

C’était un homme de haute taille, d’un blond filasse, maigre et vigoureux ; il avait le visage long, jaunâtre, le nez court et large de narines, de petits yeux verts, le regard calme et assuré, les lèvres fortes et avançant un peu, les dents grandes et blanches, un menton carré et à peine ombragé d’un léger duvet.

Il portait un costume d’ouvrier, de chauffeur ; —vieille jaquette aux poches béantes, casquette en toile cirée, toute froissée, bottes goudronnées, écharpe de laine au cou.

En même temps que lui, était entré un homme d’une quarantaine d’années, qui avait l’air d’un tsigane, tant par l’extrême mobilité de sa physionomie que par ses yeux noirs et luisants, dont le regard rapide enveloppa Néjdanof du premier coup. Il connaissait déjà Markelof. On l’appelait Pavel, c’était une sorte de factotum de Solomine.

Solomine s’approcha de ses deux visiteurs, sans mot dire, leur secoua la main de sa main calleuse, sortit du tiroir un paquet cacheté, et le donna, toujours sans dire un mot, à Pavel qui disparut sur-le-champ. Puis il s’étira, poussa un hum, fit tomber sa casquette d’un seul mouvement de main, s’assit sur un tabouret en bois peint, et, indiquant du geste un divan du même genre, dit aux visiteurs :

« Je vous en prie. »

Markelof présenta d’abord Néjdanof à Solomine ; celui-ci donna au nouveau venu une seconde poignée de main.

Puis Markelof commença à parler de « l’œuvre », de la lettre de Vassili Nicolaïevitch. Néjdanof donna cette lettre à Solomine. Pendant que celui-ci la lisait, —passant d’une ligne à l’autre avec grande attention et sans hâte, — Néjdanof le regardait.