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s’écria-t-il avec un soudain et violent transport, — écoutez-moi ! »

Et aussitôt, sans prendre la peine de s’asseoir sur une des deux ou trois chaises qui meublaient la chambre, — toujours debout devant Marianne, et continuant à lui tenir la main, Néjdanof, avec un entraînement, un feu, une éloquence qui l’enleva lui-même, mit la jeune fille au courant de ses plans, de ses résolutions, de la cause qui lui avait fait accepter la proposition de Sipiaguine ; il lui parla de ses relations, de son passé, de tout ce qu’il cachait, de ce qu’il ne racontait à personne, des lettres qu’il avait reçues, de Vassili Nikolaïevitch, de tout enfin, — même de Siline !

Il parlait rapidement, sans interruption, sans la moindre hésitation, comme s’il se fût reproché d’avoir tant tardé à mettre Marianne dans la confidence de tous ses secrets, comme s’il eût voulu s’excuser vis-à-vis d’elle.

Elle l’écoutait avec une attention avide. Sa première impression avait été un étonnement profond… Mais ce sentiment s’évanouit presque aussitôt ; la reconnaissance, l’orgueil, le dévouement, une résolution inébranlable, voilà ce qui remplit son âme. Son visage, ses yeux rayonnèrent ; elle posa sa main restée libre sur la main de Néjdanof ; ses lèvres s’entr’ouvrirent avec une expression d’enthousiasme… Elle était devenue tout d’un coup admirablement belle !

Il s’arrêta enfin, la regarda, et il lui sembla qu’il voyait pour la première fois ce visage, qui lui était en même temps si cher et si connu.

Il respira longuement, profondément…

« Ah ! que j’ai bien fait de vous dire tout ! murmura-t-il avec effort.

— Oui, vous avez bien fait… vous avez bien fait… dit-elle aussi à voix basse : elle imitait involontairement Néjdanof. Et puis le souffle lui manquait. — Vous savez, n’est-ce pas ? que je suis à votre disposition, que je veux,