Page:Tourgueniev, Terres Vierges, ed. Hetzel.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée

ronger Anna Zakharovna. Les visiteurs arrivaient, discutaient, jouaient aux cartes, — et n’avaient pas l’air de s’ennuyer. Valentine continuait son petit manège avec Néjdanof, — bien qu’une nuance d’ironie souriante se mêlât à son amabilité.

Néjdanof était devenu tout à fait intime avec Marianne, et, à sa grande surprise, il finit par découvrir qu’elle avait le caractère assez égal, et qu’on pouvait lui parler de toute sorte de sujets sans rencontrer chez elle une contradiction trop marquée. Il était allé deux fois visiter l’école avec elle ; mais, dès la première visite, il avait reconnu que c’était temps perdu. Le diacre était maître absolu dans l’école, de par la volonté formelle de Sipiaguine.

Ce diacre enseignait la lecture et l’écriture — assez bien, en somme, quoiqu’il employât une méthode surannée ; — mais, aux examens, il posait des questions fort saugrenues. Ainsi, un jour, il avait demandé à Garass :

« Comment faut-il expliquer l’expression qui se trouve dans la Bible : Les eaux sombres dans les nuages ? »

À quoi Garass, selon les indications du diacre lui-même, devait répondre : « Cela est inexplicable. ».

Du reste, l’école allait être fermée, — à cause des travaux d’été, — jusqu’à l’automne.

Se souvenant des recommandations de Pakline et de ses autres camarades, Néjdanof essaya de se mettre en rapport avec les paysans ; mais il s’aperçut bien vite qu’il se bornait à les étudier, dans la mesure de ses facultés d’observateur, et qu’il ne faisait pas la moindre propagande.

C’était un citadin, ayant passé la plus grande partie de sa vie à Pétersbourg, de sorte qu’entre lui et les paysans existait un abîme, que tous ses efforts ne parvenaient pas à lui faire franchir.

Il avait eu l’occasion d’échanger quelques mots avec