Ce fut elle qui l’aborda.
« Monsieur Néjdanof, — commença-t-elle d’une voix hâtive, — vous êtes, je crois, complètement satisfait de Mme Sipiaguine ? »
Elle se détourna sans attendre de réponse, et marcha dans l’allée ; Néjdanof se mit à marcher à côté d’elle.
« Qu’est-ce qui vous faire croire cela ? demanda-t-il au bout d’un instant.
— Me tromperais-je ? En ce cas, elle aurait mal pris ses mesures aujourd’hui. Je m’imagine comme elle a manœuvré, comme elle a tendu ses petits filets ! »
Néjdanof, sans dire un mot, regarda en dessous son étrange interlocutrice.
« Écoutez, continua-t-elle ; je vous parlerai franchement : je n’aime pas Mme Sipiaguine ; du reste, vous vous en êtes bien aperçu. Il est possible que je vous paraisse injuste ; mais attendez pour juger… »
La voix lui manqua. Elle rougit, elle se troubla. Chez elle, le trouble prenait toujours une forme qui le faisait ressembler à de la colère.
« Vous vous demandez sans doute, reprit-elle, pourquoi cette demoiselle, que vous ne connaissez pas, vous dit tout cela ? vous avez probablement pensé la même chose quand je vous ai fait cette communication… au sujet de M. Markelof. »
Elle se baissa soudain, cueillit un petit champignon, le cassa en deux et le jeta au loin.
« Vous vous trompez, mademoiselle Marianne, dit Néjdanof ; j’ai pensé, au contraire, que je vous inspirais de la confiance, et cette idée m’a été très-agréable. »
Néjdanof ne disait qu’une demi-vérité : cette pensée venait de lui venir à l’instant même.