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Kalinitch se détournait avec dépit, et Khor riait aux éclats. Tout son visage éclatait de gaieté et ses petits yeux semblaient avoir complètement fondu.

Kalinitch chantait agréablement en s’accompagnant sur la balalaïka[1].

Khor l’écoutait longtemps, mais il arrivait toujours qu’à certain accord il penchait la tête de côté et entonnait, d’une voix mélancolique, la vieille chanson :


Dôlia ty moia, dôlia ![2]


Fedia ne manquait jamais alors de dire à son père :

― Qu’as-tu à t’attendrir, vieux ?

Mais Khor couchait son visage dans sa main gauche, fermait ses yeux et continuait à se lamenter sur son triste sort. Il n’y avait pourtant pas d’homme plus actif que lui. Toujours au travail, il radoubait un fond de telega, consolidait une haie, raccommodait un harnais. Quant à la propreté, il était peu rigoureux et, comme je lui en faisais l’observation, il me répondit qu’il faut bien que l’izba sente l’odeur de l’homme.

  1. Sorte de guitare à trois cordes.
  2. Ô toi mon sort ! mon triste sort.