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ce pas honteux ? N’est-ce pas l’affaire d’un homme de vendre le chanvre ? Et ils préfèrent le vendre, non pas à la ville où il faudrait transporter la marchandise, mais au village à des colporteurs qui, n’ayant pas de balances, assurent que le poude[1] de chanvre est de quarante poignées et on sait ce que c’est que la poignée d’un Russe quand il empoigne de bon cœur.

Tels sont les récits que je me laissai faire dans la famille du moujik, mais Khor ne racontait pas toujours ; il me faisait à moi-même beaucoup de questions. Il apprit que j’avais voyagé à l’étranger ; sa curiosité s’enflamma et Kalinitch rentrant sur ces entrefaites n’en témoigna pas moins que lui. Mais Kalinitch ne s’intéressait qu’aux descriptions de la nature, des montagnes, des cataractes et aussi des édifices extraordinaires des grandes villes. Khor se préoccupait des questions administratives et politiques. Il procédait par ordre :

― Est-ce chez eux comme chez nous ou autrement ? Parle, bârine, voyons.

― Ah ! Seigneur, c’est ta volonté, s’écriait Kalinitch pendant que je parlais.

Khor se taisait, fronçait ses épais sourcils, et

  1. Poids de quarante livres.