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grand efflanqué de vingt ans, à voix de ténor nasillard, m’avait déjà appris, en me déshabillant, que le prince N…, remonteur du régiment ***, s’était arrêté dans leur traktir ; qu’il y avait actuellement dans Lébédiane beaucoup d’autres gentilshommes ; que, le soir, les tziganes chanteraient et qu’on donnerait au théâtre Pane Tvordovskij ; que les chevaux se vendaient cher, mais qu’il y en avait de très beaux.

Au champ de foire, je vis d’interminables rangées de telegas et des chevaux de toutes sortes, trotteurs, chevaux de haras, chevaux de charroi, de roulage, de trait, rosses de moujiks. Les meilleurs, bien nourris et luisants, étaient assortis par nuances de pelage, couverts de housses bariolées, attachés court à la traverse du fond des telegas, et tous rangeaient craintivement leur train de derrière sous l’ombre du fouet du maquignon. Les chevaux de pomiéstchiks, envoyés par les nobles des steppes sous la garde de quelque vieux cocher et de deux ou trois garçons de haras, secouaient leur crinière, piétinaient d’ennui et rongeaient les dossiers des telegas. Les juments de Viatka, au pelage rouan vineux, se serraient les unes contre les autres ; immobiles et majestueux comme des lions, s’isolaient, au contraire, des