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Il alla jusqu’à la porte.

— Voilà qu’elle l’a quitté lui aussi, continua-t-il à demi-voix en désignant l’enfant.

Il tourna la tête.

— Je crois, bârine, que vous ne mangerez pas volontiers de notre pain, et ici, sauf du pain…

— Je n’ai pas faim.

— Eh bien ! comme il vous plaira. Mettre le samovar, à quoi bon ? Je n’ai pas de thé. Je vais voir ce que fait votre jument.

Il sortit en faisant claquer la porte. Je jetai des regards çà et là, la chambre me parut encore plus triste qu’auparavant, une âcre senteur de vieille fumée gênait ma respiration. La jeune fille restait immobile et tenait les yeux baissés ; de temps en temps elle balançait le berceau et ramenait timidement sa chemise sur ses épaules.

— Comment te nommes-tu ? lui demandai-je.

— Oulita, répondit-elle en baissant encore plus son visage triste.

Le forestier rentra et s’assit sur le banc.

L’orage s’éloigne, dit-il après un moment de silence. Si vous l’ordonnez, je vous accompagnerai jusqu’à la lisière du bois.

Je me levai. Le Biriouk prit un fusil et inspecta l’amorce.

— Pourquoi votre fusil ? lui dis-je.