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chand il faut vivre dans la foi et la crainte, et alors il vous nourrit, vous habille et tout… Si vous lui plaisez, il vous donne tout ce que vous voulez ; pourquoi faire des appointements ? Le marchand vit simplement, à la russe, à notre manière. Si tu voyages avec lui, tu prends du thé quand il en prend, ce qu’il mange, tu en manges aussi. Un marchand, comment donc ! ce n’est pas un bârine. Le marchand, lui, n’a pas de fantaisies. S’il est en colère, il tape et c’est fini… mais il ne te harcèle pas comme un bârine, miséricorde ! Rien n’est bon pour les bârines ! Tu lui donnes un verre d’eau, un plat… l’eau sent mauvais, le plat sent mauvais. Tu l’emportes, tu restes un moment derrière la porte, et puis tu reviens : « Ah ! voilà ! maintenant ça sent bon ! » Et les bârinias ! Ah ! les bârinias ! je vous dirais… et les bârinias !…

— Fediouchka ! cria du comptoir le principal caissier.

Le commis de service sortit précipitamment.

J’achevai de boire mon verre de thé, je m’étendis sur le divan et m’endormis. Je fis un somme de deux heures.

En m’éveillant je voulus d’abord me lever, mais la paresse l’emporta, et je fermai les yeux sans pouvoir pourtant m’endormir. Derrière la