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— À votre service, tout de suite. En attendant, daignez vous déshabiller et vous reposer. Le thé sera prêt dans cinq minutes.

— À qui appartient ce domaine ?

— À Mme  Losniakova, Elena Nikolaevna.

Il sortit.

Je regardai autour de moi. Contre la mince cloison qui séparait ma chambre du bureau était adossé un divan massif couvert de cuir ; de l’un et de l’autre côté de l’unique fenêtre était une chaise tendue aussi de cuir et à très haut dossier. La fenêtre donnait sur la rue. Aux murs tapissés d’un papier à dessins roses sur fond vert pendaient trois immenses tableaux à l’huile. L’un représentait un chien couchant avec un collier bleu de ciel et cette inscription : « Voici ma joie. » Aux pieds du chien coulait une rivière et, plus loin, sur l’autre rive, sous un pin, se tenait assis un lièvre d’une grandeur démesurée, l’oreille dressée. Le second tableau représentait deux vieillards en train de manger une arbouse[1] et derrière l’arbouse s’élevait un portique grec sur le fronton duquel on lisait la dédicace : « Temple de la Satisfaction. » Le sujet du troisième tableau était une femme demi-nue,

  1. Melon d’eau à chair rose.