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— Qui t’a interrogé ? dit-il au jeune homme. Comment oses-tu me parler ! Qu’est-ce que c’est donc que cela ? Mais c’est de la révolte !… Ah ! je vous le dis, il ne fait pas bon à se révolter contre moi… chez moi… (Arkadi Pavlitch fit un pas, mais sans doute il se souvint de ma présence, se détourna et enfonça ses mains dans ses poches.)

— Je vous demande bien pardon, mon cher, me dit-il en français, avec un sourire forcé et en baissant le ton ; c’est le mauvais côté de la médaille… C’est bon, c’est bon, continua-t-il sans regarder les moujiks, je prendrai mes mesures ; c’est bon allez. (Les moujiks ne bougeaient pas.) Eh bien ! on vous dit, c’est bon. Partez donc !… Je donnerai des ordres, on vous dit.

Arkadi Pavlitch leur tourna le dos en murmurant : « Toujours des désagréments. » Puis il regagna à grands pas l’izba du bourmistre. Sofron le suivait. Fedocéitch faisait de gros yeux et semblait vouloir bondir. Le starost se mit à effrayer les canards. Les suppliants restèrent encore quelques instants sur la place, puis, après s’être regardés l’un l’autre, ils se levèrent et s’enfuirent sans détourner la tête.

Deux heures après, j’étais à Riabovo avec Anpadiste, un moujik de ma connaissance, et je