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moujiks qui revenaient de la grange dans leurs telegas vides, les jambes en l’air, chantant ; mais à la vue de la voiture et du starost ils se turent, ôtèrent leur bonnet d’hiver (nous étions pourtant en été) et s’alignèrent, semblant attendre des ordres. Arkadi Pavlitch les salua avec bienveillance. Tout le village fut bientôt en émoi ; des babas, en robes à carreaux, lançaient des éclats de bois aux chiens peu sagaces et trop zélés. Un vieux boiteux, décoré d’une barbe qui montait jusqu’aux yeux, arracha du puits un cheval et lui porta un violent coup dans le flanc, puis fit une révérence devant notre portière. Des enfants en longue chemise s’enfuyaient en criant vers leurs izbas et se jetaient à plat ventre sur le seuil, la tête basse et les pieds en l’air, et là, dans l’obscurité, voyaient tout sans se montrer. Les poules elles-mêmes prenaient le galop pour gagner le dessous des portes. Seul un brave coq, à la poitrine noire de satin, relevant sa queue rouge jusqu’à sa crête, parut vouloir tenir le milieu de la route, quand tout à coup il se troubla lui-même et s’enfuit aussi.

L’izba du bourmistre était située à l’écart dans une verte chènevière. Nous nous arrêtâmes à l’entrée de la cour. M. Penotchkine se leva, rejeta pittoresquement son manteau et descendit