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lui échappe point. Mais il ne faut pas lui aider… Je ne tue pas les rossignols, que Dieu m’en garde, et je ne les torture pas ; je les prends pour la consolation ou la joie des hommes.

— Tu vas les prendre à Koursk ?

— À Koursk et quelquefois plus loin, cela dépend. Je passe la nuit dans les marais, dans les taillis ou bien dans les champs, dans les déserts. Les bécasses sifflent, les lièvres crient, les canards cancanent… Le soir, je regarde ; le matin, j’écoute, et le lendemain avant l’aurore, je tends mes filets entre les arbustes… Les rossignols chantent si doucement, si plaintivement ! C’est pitié.

— Et tu les vends ?

— Je les donne à de bonnes gens.

— Et que fais-tu encore ?

— Comment, ce que je fais ?

— De quoi t’occupes-tu ?

Le vieillard resta un instant silencieux.

— Je ne m’occupe de rien de particulier, je suis un mauvais travailleur. Pourtant je sais lire…

— Tu sais lire ?

— Oui, je sais lire, avec l’aide de Dieu et des bonnes gens.

— Tu as de la famille ?