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blanc doré, s’amoncelaient auprès des troncs humides et éclatants. Il s’en exhalait une très agréable odeur amère. Plus loin, contre le fourré, la hache frappait sourdement et, d’heure en heure, avec majesté, avec douceur, comme s’il saluait et tendait les bras, se penchait un arbre frisé…

Pendant longtemps, je n’avais point trouvé de gibier : enfin, d’un massif de chênes envahi par des absinthes, s’envola un râle de genêt. Je tirai, il tournoya dans l’air et tomba. Kassian au moment de la détonation se couvrit les yeux de la main et ne bougea pas pendant que j’armai mon fusil et que je ramassai la bête. Quand je fus un peu plus loin, il vint à l’endroit où l’oiseau était tombé, se pencha vers le gazon tacheté de gouttelettes de sang, branla la tête et me regarda avec effroi… Je l’entendis murmurer : « Péché ! oh ! c’est un péché ! »

La chaleur nous obligea d’entrer dans un massif de coudriers au-dessus duquel un jeune érable élancé étendait gracieusement ses légers rameaux. Kassian s’assit sur le gros bout d’un bouleau abattu. Les feuilles étaient légèrement agitées et leur ombre d’un vert rare glissait doucement sur le corps chétif du nain accoutré de son armiak noir et sur son petit visage. Il