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sol de clous bleus auprès des corolles d’or de glaucone et des pétales lilas et jaunes du mélampyre. Çà et là, dans les sentiers abandonnés où les traces des roues restaient signalées par des rubans aplatis sur l’herbe rouge, s’élevaient des monceaux de bois noircis par le vent et la pluie et rangés en cubes dont l’ombre affectait une forme de losange, — la seule ombre qu’on rencontrât dans ce lieu. Une légère brise s’élevait tantôt, tantôt se calmait ; et à son moindre souffle tout bruissait, s’agitait ; la fougère abaissait avec grâce ses panaches ondoyants et tout se réjouissait, — mais si le souffle cessait, tout se taisait de nouveau et s’immobilisait. Les grillons seuls continuaient à grincer ; leur cri semblait provoquer la chaleur de midi et on le prendrait alors pour le crépitement de la terre qui brûle. Et il est fatigant ce cri incessant, sec et aigre.

Sans avoir rien rencontré, nous arrivâmes aux nouveaux abattages. Là les trembles, fraîchement coupés, gisaient à terre, écrasant de leur masse les herbes et les arbustes. Les uns avaient des feuilles vertes encore, quoique déjà mortes et affaissées, inertes sur les branches fanées ; sur d’autres les feuilles étaient déjà tordues et desséchées. Des éclats de bois frais, d’un