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une caille s’envola en piaulant, comme de dessous ses pieds et il improvisa un accompagnement aux cris de la caille. Une alouette voleta au-dessus de lui ; il saisit à l’instant même le chant de l’alouette ; mais à moi Kassian n’adressait pas la parole.

Le temps était magnifique, plus beau encore que naguère, mais il faisait une chaleur accablante. Sur le ciel clair pelotaient légèrement des nuages hauts et rares d’un bleu jaunâtre, comme une neige tardive du printemps, et plats et longs, comme des voiles baissées. Leurs bords festonnés, cotonneux, changeant de forme à chaque instant, ils semblaient fondus et ne donnaient point d’ombre. Nous errâmes longtemps, Kassian et moi, à travers la coupe. De jeunes pousses qui n’avaient pas atteint la hauteur d’un mètre embrassaient de leurs tiges ténues et lisses les troncs bas et noircis. Des excroissances rondes et spongieuses, — de celles dont on fait l’amadou avec des bords gris, se collaient contre les troncs. Le fraisier étalait ses moustaches roses auprès des champignons réunis en famille. Mes pieds s’embarrassaient sans cesse dans les herbes cuites au soleil. Partout l’éclat métallique des feuilles rougeâtres éblouissait l’œil. L’herbe rebelle émaillait le