Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Akimitch. C’est peut-être son âme qui se plaint.

— Et en effet, mes frères, dit Kostia en écarquillant ses yeux, déjà très grands naturellement. Ah ! les voleurs ont noyé là le pauvre Akimitch ? Que j’aurais eu peur si j’avais su !

— Et puis je te dirai, ajouta Pavel, qu’il y a des grenouilles dont le cri ressemble beaucoup à une plainte.

— Des grenouilles ? non, ce n’étaient pas des grenouilles ; quelles grenouilles ?

(Le héron jeta de nouveau son cri, vers la rivière.)

— Encore ! s’écria malgré lui Kostia ; on dirait le cri du liéchi[1].

— Le liéchi est muet, dit Ilia. Il ne sait que frapper d’une main dans l’autre et faire craquer les branches.

— Tu l’as donc vu, toi, le liéchi ? demanda railleusement Fedia.

— Non, je ne l’ai pas vu, et Dieu me préserve de le voir ; mais d’autres l’ont vu. Dernièrement il a joué un moujik. Il l’a poussé, poussé dans la forêt — c’était le soir, — et l’a fait tourner jusqu’au lever du soleil dans la même clairière.

— Et il l’a vu ?

  1. Esprit des bois.