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― Ah ! Fédia ! Khor est-il chez lui ? demanda M. Poloutikine.

― Non, Khor est à la ville, répondit le gars dont un sourire découvrit les dents éclatantes. Voulez-vous que j’attelle la telejka[1].

― Oui, frère, mais auparavant donne-nous du kvass[2].

Nous entrâmes dans l’izba. Pas une de ces images de Souzdal[3] qui déshonorent la plupart des murs de planches des izbas russes. Dans l’angle d’honneur, devant une icone ornée d’argent, brûlait une lampe consacrée. La table, en bois de tilleul, avait été récemment raclée et lavée. Dans les interstices des solives et autour du cadre des fenêtres, on ne voyait courir ni la blatte agile, ni le cafard pensif. Le jeune homme revint, portant une grande cruche blanche, pleine de très bon kvass, un énorme quartier de pain et une douzaine de concombres salés nageant dans un bol en bois. Le tout fut déposé sur la table avec symétrie et le garçon alla s’épauler contre le montant de la porte d’où il nous regardait en souriant. Nous achevions à peine notre collation quand nous entendîmes

  1. Telejka, diminutif de telega, voiture découverte et non suspendue.
  2. Boisson fermentée
  3. Souzdal, l’Épinal russe.