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— Nous écoutons, dit Fedia d’un air protecteur.

— Vous connaissez Gavrilo, le charpentier de la bourgade ?

— Oui ! eh bien ?

— Savez-vous pourquoi il est triste et ne parle à personne ? Voici pourquoi, comme l’a expliqué mon père. Il était allé une fois, mes frères, cueillir, dans la forêt, des noisettes ; et voilà qu’en allant cueillir dans la forêt des noisettes, il se perd, Dieu sait comment… Avait-il marché, frères ! Non, il ne peut plus trouver sa route et la nuit arrive. Il s’assied sous un arbre : « J’attendrai ici le matin, » se dit-il. Il s’assied donc et s’endort. Il dormait déjà quand il s’entend appeler. Il regarde : personne. Il s’endort de nouveau, de nouveau on l’appelle, de nouveau il regarde… il regarde, et devant lui, sur une branche, une roussalka[1] se balance et l’appelle. La lune brillait beaucoup, et si claire qu’on voyait tout, mes frères, et l’autre sur sa branche était si brillante, si blanche… comme un gardon ou comme un goujon, ou encore comme le carassin qui a des écailles d’argent. Gavrilo se lève : il est tout raide, le charpentier Gavrilo, mes frères ; elle, elle ne sait que rire et l’ap-

  1. Fée des bois.