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loin, à l’horizon, on apercevait en longues taches confuses des collines et des forêts. Le ciel sombre pur, solennellement et infiniment haut, s’étendait mystérieux et splendide au-dessus de nous. La poitrine se contractait avec volupté en aspirant les fraîches senteurs — les senteurs d’une nuit d’été russe. Alentour, aucun bruit… sauf dans la rivière toute voisine un remous causé par quelque gros poisson ou un léger frôlement de roseaux agités par une vague… et le feu pétillait.

Les enfants étaient assis autour du feu avec les deux chiens qui avaient failli me dévorer et, de très longtemps, ne purent se faire à ma présence. De temps en temps ils grondaient avec une sorte d’orgueil, puis hurlaient un peu — un hurlement plaintif comme un regret. Les garçons étaient au nombre de cinq : Fedia, Pavloucha, Iliouchka, Kostia et Vania[1]. C’est en les écoutant que j’ai appris leurs noms. Je désire faire connaître au lecteur ces petits bergers.

L’aîné, Fedia, est un garçon d’environ quatorze ans. Des traits fins et corrects, des cheveux bouclés, des yeux brillants, le visage à la fois rêveur et gai. J’ai cru comprendre qu’il

  1. Diminutifs de Feodor, Pavel, Ilia, Konstantin et Ivan.