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d’immobile humidité. C’était comme si j’eusse pénétré dans une cave. Les herbes hautes et serrées qui tapissaient cette vallée blanchissaient comme une nappe. Je ressentais une étrange appréhension. Je me jetai à la hâte du côté opposé et j’allai, prenant à gauche, longer la tremblaie. Les chauves-souris décrivaient leurs cercles mystérieux au-dessus du faîte endormi des trembles et rayaient de petits traits noirs le ciel vaguement clair. Un jeune vautour s’éleva perpendiculairement, regagnant son aire. « Je serai bientôt sorti de là, pensai-je, il doit y avoir une route près d’ici. Je me serai sans doute écarté d’une verste. »

Je parvins à l’extrémité du bois, aucune route. De basses touffes non taillées se prolongeaient devant moi ; au loin, l’on apercevait un champ désert. « Quelle aventure, pensai-je, en m’arrêtant de nouveau, où suis-je donc ? » Et je récapitulai dans ma mémoire tout le chemin que j’avais fait dans la journée… « Ah ! ce sont les buissons de Parakhino, et ceci ce doit être le bois de Sindéev. Mais comment suis-je venu m’égarer par là ? Il faut maintenant que j’appuie à droite. » Et j’appuyai à droite à travers les buissons. La nuit s’enténébrait toujours davantage, le ciel était comme couvert d’un