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blanches dans les chemins et dans les prés ces tourbillons qui sont les symptômes du beau temps durable. L’air sec et pur exhale l’absinthe, le seigle et le sarrasin, et l’atmosphère reste lourde jusqu’à la tombée de la nuit. Ce sont les jours d’été que le laboureur réclame pour sa moisson.

Et c’était un pareil jour que je chassais aux perdrix dans le district de Tchernsk, dans le gouvernement de Toula. Je trouvai beaucoup de gibier et ma gibecière était si lourde que la courroie me blessait l’épaule. Mais le crépuscule venait de s’éteindre, et dans l’atmosphère, encore lumineuse d’un souvenir de soleil, des ombres commençaient à se répandre, froides, épaisses. Je me décidai à rentrer. Je traversai rapidement un vaste terrain semé de buissons et de chênes. Je gravis un monticule et, de là, au lieu de la plaine familière que je m’attendais à voir avec un bois de chênes à droite et une église de village au loin, j’aperçus des lieux complètement inconnus. À mes pieds une plaine étroite, droit devant moi comme un mur, une épaisse tremblaie. « Hé ! hé ! pensai-je étonné, je ne me reconnais pas par ici. Allons, j’aurais trop appuyé à gauche. » Et, tout ébahi de mon erreur, je descendis lestement du monticule. Je me sentis aussitôt saisi d’une sorte