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sieurs dizaines ne sont pas rares. Là, on rencontre encore le noble coq de bruyère, la grive étourdie et l’agile perdrix dont le vol brusque et saccadé égaye à la fois chien et chasseur.

Comme je parcourais, tout en chassant, le district de Jizdrinsk, je fis, en pleine campagne, la connaissance d’un petit pomiéstchik[1] kalougien. M. Poloutikine, un chasseur passionné et par conséquent un excellent homme. Il avait pourtant quelques faiblesses, je l’avoue. Par exemple, il faisait demander la main de toutes les riches demoiselles à marier de la province. Après s’être vu fermer le cœur de la fille et la maison du père, il racontait avec expansion sa mésaventure à ses amis et connaissances, sans cesser d’envoyer aux parents des héritières des paniers de pêches vertes ou d’autres fruits toujours cueillis avant terme. Il avait aussi la manie de radoter toujours la même anecdote, et, malgré l’état particulier qu’en faisait M. Poloutikine, cette anecdote n’égayait personne. Il louait exagérément les œuvres d’Akim Nakhimov et le roman : Pinna ; il bégayait, il appelait son chien Astronome. Il disait Odnatché pour Odnako[2]. Il avait introduit chez lui la cuisine

  1. Propriétaire terrien.
  2. Cependant : Odnatché, prononciation vicieuse.