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Ermolaï se tenait en avant. L’eau ne tarda pas à nous baigner les pieds malgré le calfeutrage. Le temps heureusement était très calme et l’étang semblait comme endormi. Nous avancions lentement. Le vieillard avait chaque fois beaucoup de peine à retirer sa perche de plusieurs pieds de vase et il fallait la dégager aussi des longues herbes qui s’y enchevêtraient ; les nénuphars aux larges feuilles et aux tiges élastiques étaient un de nos principaux obstacles. Enfin nous gagnâmes les jonchaies et le spectacle commença. Les canards s’élevaient avec bruit, « s’arrachant » des retraites de l’étang effrayés par notre apparition inattendue dans leur domaine. Nous les fusillâmes. C’était plaisir de voir ces pesants oiseaux frapper l’eau de tout leur poids. Bien entendu, nous ne pûmes saisir tous ceux qui avaient été atteints, ceux qui n’avaient attrapé que quelques grains plongeaient. D’autres se perdaient au milieu de la roselière où les yeux d’Ermolaï même ne parvenaient pas à les retrouver. Notre radeau n’était pas moins, dès midi, encombré de gibier. Vladimir, à la joie d’Ermolaï, tirait médiocrement et à chaque coup perdu faisait des mines étonnées, examinait la batterie et nous expliquait les causes de sa déconvenue. Ermolaï, comme