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Et sur le troisième côté :


Sous cette pierre repose un émigré français ;

Il était de grande origine et il avait du talent.

Après avoir pleuré son épouse et sa famille assassinées,

Il abandonna son pays foulé par les tyrans.

Ayant atteint les bords du pays russe,

Il obtint pour ses vieux jours un toit hospitalier.

Il instruisait les enfants et tranquillisait les parents.

Le juge d’en haut lui donna la paix.


Et sur le quatrième côté :


Paix à ses cendres.


L’arrivée d’Ermolaï, de Vladimir et de l’homme si singulièrement appelé Soutchok, interrompit ma méditation. Soutchok, nu-pieds, loqueteux, hérissé, me parut un dvorovi en retraite d’une soixantaine d’années.

— Tu as un bateau ? lui dis-je.

— Oui, répondit-il en hoquetant d’une voix rauque, mais il est très mauvais.

— Qu’a-t-il donc ?

— Les planches sont disjointes et les trous à chevilles n’ont plus de bouchons.

— Ce n’est rien, dit Ermolaï, avec du chanvre et du suif on peut les boucher.

— Sûrement, ça se peut, confirma Soutchok.

— Que fais-tu ?