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blâmes et on parla de l’amadouer en lui graissant la patte. Mais le vieux Prokhoritch dit : « C’est du mauvais exemple, vous encouragez vos oppresseurs, n’avons-nous plus de justice ? » On le crut et l’employé fit son rapport. Maintenant on nous demande de nous justifier Je leur ai demandé si en effet leurs magasins étaient irréprochables. « Dieu nous est témoin, me répondirent-ils, ils sont en ordre et il y a la quantité de blé exigée par la loi. » Eh bien ! leur ai-je dit, vous n’avez rien à craindre. Et j’écrivis pour eux une supplique. On ne sait pas encore qui aura raison. Mais je ne m’étonne pas qu’on soit venu se plaindre de moi à vous à ce sujet. La chemise de chacun lui tient de plus près à la peau que la chemise du voisin.

— Oui, chacun, toi excepté, murmura le vieillard. Et l’autre affaire avec les moujiks de Choutolomovo ?

— Comment savez-vous cela ?

— Je le sais, peu importe comment.

— Là encore, je n’ai aucun tort, jugez-en. Les moujiks de Choutolomovo ont un voisin nommé Bezpandine, qui a mis en culture quatre déciatines de leur terre, prétendant qu’elles lui appartiennent. Le piomiéstchik de Choutolomovo est à l’étranger ; qui les défendra ? La terre est