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ce un instant, de posséder en vérité ce que l’on aime plus que son salut ? Que de fois, dans le silence de la nuit, quand le sommeil de l’homme que je trompe semble la raillerie de mes propres pensées, quand je m’ensanglante le cœur à y enfoncer mes doutes plus aigus que mes ongles ; quand mon amour est comme de la haine, que de fois j’ai crié, comme aujourd’hui vers Vous : « Mon Dieu, pourquoi m’avoir donné mon bien-aimé, si ce n’est à moi seule ? Ne savez-Vous pas qu’il n’est rien de lui qui ne m’appartienne, ses jambes serpentines, ses mains ou cette bouche pleine de baisers, fraîche et creuse comme une fleur ? Et si, non plus que dans son corps, Vous ne voulez, sur son âme de fille, que je sois la seule à régner, mon Dieu, faites qu’il meure, mais qu’il ne me trahisse pas ! »

Un instant, elle se sentit, de ce souhait, épouvantée soi-même, et tomber dans une espèce d’accablement : « Seigneur, suppliait-elle, si Vous ne m’avez plongée dans la