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— Et ton père, à toi, qu’est-ce qu’il a dit, pour raisons ?

— Pour raisons, nib ! Il ne veut pas, voilà. Et nous sommes mineurs.

— Ah ! mon pauvre petit ! Mon pauvre petit !

Ils s’étaient assis près de la chapelle expiatoire. René regardait devant lui d’un œil sec et fixe ; Christine pleurait.

Ils continuèrent à se revoir ; mais leurs rencontres devenaient de plus en plus tristes. René s’était décidé à quitter la France. Un jour, il annonça qu’il venait de signer un contrat avec une grande imprimerie américaine, et qu’il partait le surlendemain soir à dix heures.

Ce jour-là, Christine sortit un peu plus tôt de son magasin. René l’attendait pour la mener dîner dans ufi restaurant voisin.

Malgré les efforts du jeune homme, le repas demeura triste. René avait beau faire briller des jours futurs, jurer de revenir pour enlever sa fiancée, si leurs parents s’entêtaient dans leur refus, et construire pour elle toute une vie de bonheur et de fortune, elle hochait la tête. Tout à coup, elle éclata en sanglots. Et puis, comme elle avait une petite âme poétique, elle dit :

— Vois-tu, chéri, tous ces projets, c’est comme des oiseaux de passage que j’ai vus un jour voler dans le brouillard à la campagne. On les regarde, parce qu’on sait qu’on ne les reverra plus.

René ne répondit rien. L’heure du départ approchait d’ailleurs. Il paya la note, et tous deux sortirent. Près de Saint-Lazare, ils s’arrêtèrent.