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automédons impavides que l’on a vus, tour à tour, pénétrer (avec leur autobus fidèle) dans un tout petit café à l’heure de l’absinthe, ou faire, au détriment des piétons, quelque cent mètres sur un trottoir populeux.

Que de charrettes mises à sac, que de fiacres surtout, car il ne les aimait point.

— Non, mais d’y entrer dans le chou, à un sapin, disait-il, tu parles que ça vous fait toujours quelque chose — je ne sais pas quoi — surtout quand il a chargé. On est émotionné. On se sent plus fort.

C’est à son vieux camarade Joseph Barbe, chauffeur de taxi-auto, qu’il tenait ce discours. Et presque aussitôt, il retomba dans un mutisme plein de sombres pensers. Car, tout au contraire du catoblepas, animal fabuleux mais stupide, au point de dévorer ses propres pieds sans en être autrement averti que par les cris qui lui sont arrachés par la douleur — la jalousie est un monstre qui se nourrit de soi-même, silencieusement.

— Car enfin, songeait encore cet époux infortuné, en débouchant avec fracas dans la rue du Roi-Doré, ce n’est pas avec les 200 francs que je gagne par mois et les 150 qu’elle prétend se faire à son atelier de lingerie que Neuiette peut se payer des jupons de dentelle et m’offrir du vin à cinquante sous au moins.

Malgré lui, il fit claquer sa langue, et se dit qu’il faisait soif. C’était du bon vin, après tout, ce médoc. Et que la source en fût ou non impure, lui-même ne l’était pas. Un instant,