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Et se mettant en bras de chemise, Béhanzigue rendit l’objet à son propriétaire, qui, tout d’abord, ne laissa pas d’en être un peu embarrassé, car, enfin, deux red’ngotes, pour un homme seul, c’est beaucoup. Et il finit par la porter sur le bras gauche, élégamment, comme un pardessus.

— Vous avez peur d’avoir froid, Monsieur Lecamaron, lui demandaient les dames au passage. M. Lecamaron soufflait sans répondre.

Un gros homme, qui était marchand de vin, aperçut Béhanzigue dépouillé, morose, abandonné de tous, comme Robinson sur son île ; et, en particulier, par sa danseuse, qui avait déclaré qu’ « on ne se met pas, dans une noce, comme pour faire de la photographie (sic) ». Il interrogea l’abandonné qui lui conta ses malheurs.

— Ça n’est que ça. Viens jusque chez moi ; c’est à deux pas, et je vais t’en prêter une, moi, qui ne devra rien à personne.

Béhanzigue revint au bout d’une demi-heure avec son nouvel ami, — qui lui avait fait boire de l’usquebaugh — et avec une nouvelle redingote, où il était fort à son aise. À vrai dire, on en eût tiré l’enveloppe d’un Béhanzigue et demi. S’il y avait eu un chartiste elle l’aurait fait songer à Thibaut le Libéral.

— Et tu sais, mon vieux, lui dit le bistro, tu as pas besoin de te gêner avec. Fais-en des choux, fais-en des raves, ou de la charpie, c’est pas moi qui t’attraperai pour ça.

Béhanzigue remercia et se mit à danser. De temps en temps on bienfaiteur numéro deux, c’était un gros homme glabre,