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BÉHANZIGUE


EULALIE, l’Entauleuse


Il était sur les trois heures : lui, un bon bourgeois, voire Luxembourgeois, venu se débrider un peu à Paris. Il la rencontra ; sous un platane défeuillé du boulevard Haussmann, et qui venait de vaquer à sa besogne dans un garno des environs. Elle l’emmena au bar de l’Anguille.

— Parce que, vois-tu, mon gros, dit Eulalie, c’est le dernier ouvert.

— Oui, mademoiselle, répondit l’homme du Grand-Duché.

Eulalie, qu’on appelle aussi la Papin, a dix-huit printemps, et un visage si ridé d’avoir eu faim pendant des années entières qu’il en porte presque le double. Mais les roses et les lys — et l’œillet — se jouent autour de ses membres polis : et elle prend encore tant de plaisir à son métier que, lorsqu’elle vient de le faire, ses yeux, tout brillants encore d’une chatouilleuse joie, la transfigurent. Que te manque-t-il, ô Eulalie, pour être un objet d’admiration et de délices ? Un peu de bonheur : un peu de linge. Et depuis un an que tu connais les joies de l’épargne te voici déjà presque jolie.