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pêche à la ligne un mandarin du voisinage, et fait des vers à rimes inversées, un poisson jaune et noir joue de la flûte en laissant voir un gros ventre où pend une chaîne de montre ; cependant qu’une vierge dont le stable sourire a l’air de vous poser une question, contemple du soir les nuées rougir, et se farde elle-même de pudeur en songeant à l’épousé.

Fô qui soupirait, répondit par les vers bien connus d’Emile Augier :

Celle que j’aime à présent est en Chine Auprès du lac où sont les cormorans, Dans un palais de porcelaine fine…

— Pauvre Dohlia, songea-t-il, des cormorans, et sa mère. Ah, elle doit bien s’ennuyer sans moi. Qu’eût-il dit, s’il avait su qu’à cette heure même… mais n’anticipons pas sur les événements.

— Tandis que moi, reprit Béhanzigue, c’est dans le Béarn aux belles pierres que je vins au monde ; l’air y est si pur, que c’est une volupté, presque une souffrance parfois, rien qu’à le respirer qui descend des montagnes ; mais la fraîcheur de l’ombre, où l’on rêve et l’on se souvient, si subtile qu’on pense ne plus sentir le poids de ses os.

— Je vois : c’est comme de fumer du bon bénarès.

— Dans le silence et la lumière, la voix prend une espèce de forme substantielle. Par un jour d’été blanc comme du métal, désert et sans échos, seuls, des charretiers, au bord du Gave, crient après leurs chevaux en chargeant des pierres : d’en bas un juron monte vers le ciel comme une fusée, hésite,