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BÉHANZIGUE

elle-même me maudirait, ma pauvre et sainte mère. (Il soupira).

— Elle était en armure, aussi ?

— Elle était cuisinière, Chantepouille : ne te l’ai-je pas dit cent fois, et que M. le baron de Béhant épousa afin de ne lui plus payer ses gages ?

Il rêva un instant et reprit :

— Depuis qu’il me fallut, Chantepouille, embrasser étroitement la carrière de claquepatin, j’ai perdu bien des préjugés, bien des fiertés peut-être. Du moins, ai-je conservé intact le sentiment militaire. Certes, aux premiers bruits de guerre, on me verrait courir sous les drapeaux, et quoique — depuis ma fracture au genou — rien ne m’y oblige plus, faire voler sur les champs de bataille le nom de Béhanzigue. (Une autre verte, Zanzi, et, puisqu’il n’y a plus d’eau dans la carafe tu me donneras le kirsch…) Mais que dis-je, et pourquoi glorifier en moi le noir Dahomey ? Non, c’est Paris, et ma profession tout entière, que je veux illustrer au feu des combats. C’est sous le pseudonyme de Claquepatin que s’engagera Martial, baron de Béhant !

— Mon vieux, observa Chantepouille, tout ça est beau ; mais tu faisais pas tant ton mariolle à la caserne. En as-tu assez tiré, de ces jours de boîte, hein !

— Je m’entraînais… Je servais la patrie, comme doit faire tout homme… car, ajouta-t-il d’un voix hoqueteuse :

Opossum… Opossum, et nil humani…

— Qu’est-ce que c’est encore, encore, ce largonji-là ?